Ma vie c’est moi qui vais la peindre, alors je vais y mettre le feu en ajoutant plein de couleurs
- Grand Corps Malade -
Un an précédant ma naissance, maman quitte aussi l’Andalousie. Elle est embauchée chez des riches comme Crésus sur Madrid pour faire des ménages. Papa, Maman, originaires de la même ville, Cordoue en Espagne. Des relations communes rapprochent mes parents, papa vivant en France et effectuant son service militaire à Toulouse dans les parachutistes, il file droit sur Madrid en deux chevaux quand il a des permissions. Entre temps ils échangent de nombreuses lettres enflammées. Ils retournent à Cordoue, se marient le 25 juillet 1976 et quelques mois après ils viennent s’installer sur la Côte d’Azur.
Je vous parle de mes sept premières années de ma vie, un début de vie tout à fait normale. Je suis né le 13 Novembre 1977 au Cannet Rocheville, une commune rattachée à la ville de Cannes dans les Alpes Maritimes. Mon père était électricien et ma mère au foyer. Une des ses clientes est très connue, c’est la première épouse de Claude François, la mère de ces deux enfants, ils ont sept et huit ans. Ma mère y restera jusqu’à ma naissance. Elle n’a jamais vu Claude François mais l’a juste entendu au téléphone parlant avec ces fils.
Mon premier domicile a été dans la ville de Pégomas à dix kilomètres de Cannes. J'ai vécu une enfance modeste et très heureuse. A l’époque, la maternité de Clavary à Grasse n’était pas construite, l’hôpital le plus proche était Les Broussailles au Cannet. La vraie tempête dans tous les sens du terme, il pleuvait, il faisait froid, le mistral soufflait à donf. Maman a eu des contractions durant quinze heures et pourtant j’étais un crapoussin, 2 kilos 800 et 48 centimètres.
Il grandira car il est espagnol !
- Henri Meilhac -
Puis j’ai commencé à subir les premiers symptômes de la maladie. Je n’aime pas les mots malade ou maladie, je préfère parler de soucis de santé, mais bon il faut bien appeler un chat un chat.
En tant que cycliste, je me souviens de mon premier vélo, rien d'exceptionnel c'était un simple vélo de ville rouge. Tu sais ce genre de vélo où il y avait une grosse molette sur le cadre et qu'on pouvait plier et ranger dans le coffre d'une voiture. J'ai fait mes premiers tours de roues là-dessus ! Bien évidemment je me prenais souvent des belles gamelles (rien à voir encore avec mon handicap). J'avais souvent les genoux et les coudes en sang mais ma première grosse gamelle a marqué mon front et mon esprit.
D’où vient qu’un boiteux ne nous irrite pas, et qu’un esprit boiteux nous irrite ? A cause qu’un boiteux reconnaît que nous allons droit, et qu’un esprit boiteux dit que c’est nous qui boitons
- Blaise Pascal -
Je faisais une course en compagnie de mes copains. J'avais réussi à les semer un peu et en qualité d’abruti je me suis retourné pour voir s’ils étaient encore là. Je me rappelle que ma roue avant a dérapé et je suis parti à pleine vitesse me rétamer la face sur le gravier. Et après ma mère m'a sermonné "keské tou a fait ?"
Je suis certain que mes parents, ma famille, m'ont donné cette détermination pour avancer dans la vie.
C'est à cette époque-là que les soucis de santé ont commencé. Je me rappelle très bien que l'on faisait beaucoup de randonnées en montagne (la photo à la fin de ce chapitre c'était lors d'une randonnée en montagne dans le Massif du Mercantour à la Vallée des Merveilles à l'âge de six ans). J'étais fan des dessins animés Goldorak, Albator, Le Capitaine Corsaire ou encore Bugs Bunny. Je me souviens aussi avoir fait pas mal de bêtises. Je m'amusais à grimper sur les gouttières, c’était une vieille bâtisse comportant deux étages. Une autre famille vivait au premier, nous au-dessus et en bas il y avait Noélie. Je me faisais vite engueuler par mes voisines. Noélie sortait toute affolée en train de me crier "testa mata, arrête un peu tes bêtises, je vais le dire à ton père". Elle était d'origine italienne.
La deuxième voisine, Renée qui s'exclamait "descend de là, voyou, tu vas tout casser !". J'avais déjà un fort caractère, fourbe et sauvage. J’étais souvent agité, par contre dans la demi-heure qui suivait je pouvais rester tout sage comme une image. J’ai d’ailleurs une pensée pour Nono et sa famille car elle est décédée depuis quelques années maintenant.
Je me remémore souvent que pour aller jusqu'à l'école maternelle on longeait un canal qui était séparé de la route par un muret et ma mère qui criait "tou fai atténcion !".
La pratique du sport a commencé évidemment par le foot à l'U.S. Pégomas. J'ai joué quelques mercredis parce que l'entraineur m'avait mis à l’égal des benjamins alors que je n'étais qu'un débutant et ça m'avait un peu dégoûté. Ils étaient beaucoup plus grands que moi. Je me rappelle que ma maman m'avait acheté l'équipement complet (chaussettes, crampons, short, maillot). D’ailleurs j'ai gardé plusieurs années le short de foot, celui qui portait l’échancrure bleue et tu sais ça faisait penser un peu à du velours.
Ce n'est pas très loin du domicile où Zinedine Zidane a vécu dans sa famille d'accueil lorsqu’il a joué sous les couleurs de l'AS Cannes. Depuis il y a un square qui porte son nom. D'ailleurs il est venu le jour de l'inauguration, mais à cette époque j'habitais à la Garde à coté de Toulon.
Déjà tout jeune, j'étais dans le milieu du sport. Papa qui a beaucoup fait de courses à pieds, vélo, randonnées...il a participé deux fois au championnat de France de Cross-Country et a remporté les départementaux quelques années plus tard dans la catégorie vétéran. Ex-recordman par équipe du 4x400 mètres de son club le GAC. Il a eu des ennuis au talon d'Achille, c'est en partie à cause de cela qu'il s'est mis à faire du vélo, pédaler c'est moins traumatisant.
Mon oncle, également très sportif, pratiquant le trail à l’égal du coureur à pied Kílian Jornet. Il a déjà participé à plusieurs courses en montagne. Un des plus marquants pour lui reste le Cro-Magnon, une épreuve de cent km courue dans les Alpes et une arrivée à Monte Carlo. Il a mis 13 heures et 50 minutes, et ma tante 27 heures fada. C’est la fille de Pierrot et Madeleine, eux aussi habitués aux efforts prolongés (cyclisme en tandem ou en solo, randonnées en montagne…)
Désormais ma vie, ne sera plus identique à celle des autres jeunes gamins. Ma vie c’est moi qui vais la peindre, alors je vais y mettre le feu en ajoutant plein de couleurs.